'Mon processus de création d'art sacré

Mgr René Guay
évêque de Chicoutimi
« Le processus de créativité de Magdalie Nadeau naît de la prière. Dans la contemplation d’une scène de l’Évangile et d’autres textes bibliques, dans l’esprit de la spiritualité d’Ignace de Loyola, l’artiste se laisse inspirer et construit peu à peu une œuvre, y intégrant respectueusement et avec la finesse de l’art des pages de la bible. Ce mouvement artistique favorise, pour qui regarde le tableau, l’entrée dans une démarche de découvertes et d’intériorité, qui est Parole aujourd’hui.»
Mgr René Guay, évêque
Professeur à l’Institut de formation théologique et pastorale du diocèse de Chicoutimi, formateur et animateur d’ateliers bibliques et docteur en théologie pratique, Université Laval.
La théologie derrière l'oeuvre
Ci-Contre:
OEUVRE EXPOSÉE DANS LES LOCAUX DE L’ÉVÊCHÉ DE CHICOUTIMI
Marie Madeleine et le Ressuscité
« Va trouver mes frères et dis-leur... j'ai vu le Seigneur et voici ce qu'Il m'a dit» Jean 20,1
Variation d'une icône orientale du Christ Pantocrator
Tableau 24" X 36"
2014- Pour le 10e anniversaire de la fondation de l'Institut de Formation Théologique et Pastorale de Chicoutimi.
Oeuvre exposée à la bibliothèque de l'Institut.
Une théologie christocentrique
où le processus créatif suit la logique de l'Incarnation
Les symboles, la matière et les pages bibliques se marient en cette œuvre afin d'être un reflet du Verbe fait chair et de sa résurrection. Icône symbolisant l'Incarnation de la Parole de Dieu dans la matière. Dans le processus d'icônes religieuse, c'est la montée des couleurs vers la lumière, vers le blanc. Ici, c'est la logique de l'Incarnation qui donne le sens aux étapes de création. Sur le panneau de bois, ce sont d'abord les pages bibliques qui sont façonnées comme une sculpture. S'en suit d'ajout de gravures, feuilles d'or et de pigments de terre d'ocre clairs. Pour compléter le processus c'est avec les pigments plus foncés et même du charbon. Une incarnation de la Parole dans la matière. Processus inspiré du passage de la Parole qui se fait chair: des pages bibliques originales jusqu'aux pigments de terre.
Sur la base du tableau est appliquées des pages bibliques de la Genèse et de la scène de l'apparition au tombeau. Des pages du livret "Prions en Église" de Pâques 2004 forment des rayons en relief rayonnant du cœur du Christ. Dans le tableau, la symbolique présente une théologie christocentrique. Le Ressuscité invite Marie de Magdala, comme toute personne, à faire sa rencontre et aller l'annoncer. Le Christ, par son bras droit, invite à aller communiquer cette Bonne Nouvelle aux autres, ceux-ci personnifiés par les gravures en haut à gauche. Il tient de son autre main une petite bible (Bible version des Moines de Maredsous récupérée à la bibliothèque de l'Institut de Pastorale). La Bible est ouverte à une page biblique qui parle de sa résurrection. Sur cette page un coeur en relief a été créé. Ce cœur évoque que l'Évangile parle d’Amour et invite à vivre la rencontre d'un Dieu-Amour.
Le corps du Christ Ressuscité est façonné avec les Évangiles de Matthieu et Marc. Le personnage de Marie de Magdala, représentant toute personne, est fabriqué avec les pages de l'apparition du Christ à Marie-Madeleine en l'évangile de Jean. Le visage du Christ est formé avec les pages de l'évangile de Marc et son corps avec les pages de l’évangile de Matthieu. La présence des feuilles d'or déposées sur les plis du manteau du Christ manifeste la divinité glorieuse du Ressuscité. Une touche de cet or est appliquée sous le feu intérieur de Marie de Magdala, signe de rencontre avec le Ressuscité.
De plus, la symbolique suit une délimitation des espaces. Voulant s'accorder sur l'orientation du bras droit du Christ pointant un futur à suivre, ce côté du tableau représente l'avenir. Ainsi le côté droit du tableau désigne le passé. Ensuite, la région en bas du tableau symbolise les ténèbres et la région vers le haut, une montée vers la lumière.
Pour le centre du tableau, plusieurs gravures évoquent le processus de mort-résurrection. En bas de la toile, une image d'un tombeau palestinien avec sa pierre ronde parle de l'expérience de Marie de Magdala au tombeau et de la descente du Christ dans la mort. Ce tombeau, c'est aussi l'expérience des ténèbres intérieures que chacun peut faire, lieu où le Christ désire se faire Lumière. L'ajout des pigments noirs de charbon donne la symbolique du passage des ténèbres à la lumière, de bas en haut.
La disposition des différentes gravures suit aussi la logique du passé à droite et du futur à gauche. Les gravures sont cachées par les pigments de terre d'ocre signifiant une Vie cachée à première vue et qui demande un second regard. Une gravure des disciples du temps de Jésus est en parallèle à celle des disciples d'aujourd'hui, une ville palestinienne au temps de Jésus avec, à côté, une ville contemporaine. Différentes images figurent la communication de la Parole et de la vie du Ressuscité: la transmission de la lumière (deux lampions où un allume l'autre), l'enseignement (une salle de classe), la vie d'église en petits groupes (des gens assis en cercles).
«Déchiffrer sa voie, trouver sa voix, reprendre la Création»
Article paru dans la revue Sentier de foi par Michel-M. Campbell, théologien de l'Université de Montréal, Sentierdefoi.info, juin 2009, volume 4, no16
De la sensualité de la méthode ignatienne, en passant par la rigueur de l’iconographie orthodoxe, jusqu’à l’éclosion d’un langage tout à fait original : le parcours personnel de l’iconographe Magdalie Nadeau.
Madame Magdalie Nadeau s’est d’abord initiée à la méthode de méditation sur la vie de Jésus que propose Ignace de Loyola. Celle-ci sollicite l’imagination, incite à créer des images (icônes, en grec) qui permettent de concrétiser notre relation à l’humanité du Sauveur. Ignace nous invite à voir les couleurs, à sentir les odeurs, le froid, à entrer dans les dialogues vécus autour du bambin de la crèche. Plus tard, il nous incitera à partager les sentiments du Fils de l’homme aux moments de sa passion.
Pour communiquer cette expérience, Mme Nadeau a pensé choisir la voie royale de l’iconographie orthodoxe. La production de l’icône s’inscrit dans une démarche acétique et mystique et se fait selon les règles très strictes d’une culture qui nous reste étrangère. Nadeau a dû renoncer à la complexité et, peut-être aux contraintes, d’une telle démarche pour en garder l’esprit. Ses icônes s’inséreront dans une démarche de méditation existentielle acculturée à notre époque. En somme, elle a renoncé à une voie (méthode, en grec) traditionnelle et pris le risque de déchiffrer sa propre voie, de trouver sa propre voix, sa propre parole. Elle a eu l’audace de sa liberté d’enfant de Dieu : inventer son langage pour redire la Parole aux gens d'aujourd’hui.
«L'art qui fait GRANDIR»
Article paru dans la revue Notre-Dame du Cap par Valérie Roberge-Dion
Notre-Dame du Cap, sept. 2012, p.22-23
«Le Semeur sème dans ton jardin intérieur.
Il t’invite à sa suite à devenir jardinier-accompagnateur.
L’aider à prendre soin de Ses semences qu’Il dépose dans les cœurs.»
« Si le grain ne meurt…» Par Magdalie Nadeau. Médium mixte, 2007. Acrylique, pigment de terre d’ocre sur toile. Pépins de pommes du Québec, sable de Charlevoix et terre du Québec. Toile créée avec les pages mêmes d’une Bible: les passages des paraboles du Semeur et des semences selon les évangiles de Matthieu, Marc et Jean. Gravures de revues québécoises
«Je me sens comme dans un désert…», partage un homme à son accompagnatrice spirituelle, Magdalie Nadeau. « Un désert? Comment est-il, ce désert? Et si tu le dessinais?», relance-t-elle. Le discours humain est parsemé de symboles. Mettre en valeur ces images permet parfois de cheminer plus vite et plus loin qu’en parlant simplement. C’est ce qu’a remarqué Mme Nadeau au fil de sa pratique, où l’art occupe désormais une place de choix.
À 43 ans, cette mère de quatre enfants – dont un, en adoption internationale, – vit son rêve. Il y a quatre ans, elle et son mari ont acheté deux maisons au coeur de Jonquière, les ont reliées audacieusement par une passerelle, afin de créer une oeuvre unique : la Maison du Pèlerin d’Art-Vida. “L’idée était de mettre sur pied un lieu pour expérimenter l’Église dans un contexte familial, intime, où de petits groupes de personnes peuvent cheminer. Un lieu qui favorise la créativité à tous les niveaux, pour amener les gens à vivre les choses autrement”, se rappelle la fondatrice. Ainsi, la Maison du Pèlerin offre un espace pour être écouté. Magdalie est elle-même formée en accompagnement spirituel selon la pédagogie de saint Ignace, cours réalisé au Centre de spiritualité Manrèse après son baccalauréat en théologie. Elle s’entoure de trois thérapeutes spécialisées en relation d’aide et offre ses locaux notamment à des groupes de soutien pour les personnes atteintes de sclérose en plaque. Une chambre accueillante ajoute un attrait à cette maison-gîte, ouverte aux pèlerins de passage.
À LA RECHERCHE DES DÉSIRS DE VIE
Et l’art, dans tout ça? L’intervenante l’intègre de façon naturelle dans ses rencontres d’accompagnement. Nul besoin de talent particulier pour “nommer autrement” ce qui habite le coeur, en griffonnant de façon brute quelques mots ou images.
«Faire confiance à sa créativité»
Article paru dans la revue Sentier de foi par Jocelyne Hudon
Sentierdefoi.info, juin 2009, volume 4, no16
« Tu es béni, Dieu de la Création, Toi qui me donnes ces pages, ces feuilles, fruit de l’arbre et du travail des humains.
Je te les présente, elles deviendront nourriture pour la vie intérieure. » Magdalie Nadeau
Peut-on renouveler l'iconographie? Centrée sur la personne du Christ et mariant habilement pages bibliques, matériaux naturels, événements et parcours personnels, Magdalie Nadeau y parvient, à sa façon.
« Je voulais peindre des icônes à la manière orthodoxe. J’étais attirée par la mise en lumière et le processus de création qui était long et mûri. Il m’était impossible de prendre des cours. De plus, en dedans de moi, ça me disait de faire confiance à ma créativité. »
C’est ainsi que Magdalie Nadeau raconte les débuts d’une aventure spirituelle qui l’a conduite à la contemplation du Christ œuvrant au cœur des personnes et des événements. Elle a été amenée à composer des tableaux iconographiques. Ceux-ci se distancient de l’art habituel par les éléments qui composent l’œuvre, mais la manière de créer s’inscrit sur les traces des règles de l’iconographie traditionnelle. Cette mère de quatre enfants a reçu une formation comme accompagnatrice spirituelle au Centre de spiritualité Manrèse, à Québec, selon la pédagogie de saint Ignace de Loyola. Avec son mari, elle a ouvert la Maison du Pèlerin d’Art-vida, au Saguenay, une maison-gîte de ressourcement à caractère créatif. Au cœur de la ville, cette maison d’accompagnement spirituel offre des parcours de cheminement qui allient spiritualité et créativité.
Magdalie a été fortement touchée par la méthode ignatienne de contemplation des récits bibliques. Cette manière d’entrer par l’imagination et par tous les sens dans une scène biblique a imprégné en elle des images fortes tirées de la Bible. Nourrie de son désir de peindre des icônes, elle a commencé à mettre sur toile ce qu’elle voyait dans ses méditations. Elle a développé un médium unique, celui de travailler avec les pages mêmes de la Bible. Au début, elle craignait que des personnes ne soient choquées ou scandalisées par l’utilisation de ces pages comme matériau de ses tableaux. Mais l’appel était plus fort que la peur. Il lui fallait étaler ces pages sur les toiles afin de les laisser exprimer leurs messages dans la matière.